vendredi 4 mars 2011

L'affaire Muhammad Yunus - Bangladesh

L'information a beaucoup circulé ces derniers jours : le 2 mars, la Banque du Bangladesh, banque centrale du pays, a licencié Muhammad Yunus de la Grameen Bank, dont il est le fondateur. Raisons invoquées : à 70 ans, Muhammad Yunus a dépassé l’âge légal de la retraite (60 ans) ; de plus, sa nomination comme directeur général, en 2000, n’aurait pas obtenu l’accord préa­la­ble de la banque centrale, nécessaire d’après le règlement fondateur de la Grameen Bank.

Addendum (8 mars 2011) : Muhammad Yunus licencié de la Grameen Bank

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Muhammad Yunus, Prix Nobel de la Paix menacé par les autorités du Bangladesh.

Une affaire politique


Les relations entre Muhammad Yunus et la Première ministre Sheikh Hasina Wajed sont conflictuelles de longue date. En 2007, Muhammad Yunus avait accordé un entretien à l'AFP au cours duquel il avait déclaré que la politique au Bangladesh était simplement une affaire de "pouvoir pour faire de l'argent", ce qui lui valut une plainte pour diffamation déposée en janvier 2007 par un membre d'un petit parti de gauche.

Il faut se souvenir qu'en 2007, l'actuelle Première ministre Sheikh Hasina a avait été accusée d'extorsion de fonds et de complicité de meurtres. Des charges qui ne lui ont finalement valu aucune peine, la Haute Cour s'estimant incompétente en vertu des lois d'urgence concernant les crimes commis avant l'imposition de l'état d'urgence.

On comprend donc que les attaques de Yunus sur la corruption politique l'aient touchée ! Ces derniers mois, elle avait déjà accuser la Grameen Bank de "sucer le sang des pauvres", en pratiquant des taux d'intérêt jugés trop élevés.

D'après Arnaud Ventura, vice-président du groupe PlaNet Finance, dont Yunus est le Président d'honneur, en raison de ses velléités politiques, le fondateur de la Grameen Bank "a été soumis à des pressions nombreuses, et même à des menaces de mort. Le premier ministre a clairement une dent contre lui".

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Sheik Hasina Wajed : Premier ministre du Bangladesh, en campagne anti-Yunus.

Mobilisation internationale en faveur de Yunus

Muhammad Yunus a lancé une pétition pour défendre sa cause, appuyé par le Quotidien de Dacca : "Indépendamment de la conception négative qu'a le gouvernement du microcrédit, celui-ci reste l'unique apport du Bangladesh au reste du monde, grâce à Yunus." Un groupe facebook "Support Yunus: Nobel Peace Prize winner under attack" a également été créée.

L'ambassade américaine à Dacca a exprimé son "profond trouble" devant la tentative de limogeage et demandé à Dacca de traiter M. Yunus avec respect.

Sur son blog, Martin Hirsch, l'ancien président d'Emmaüs France, a publié une tribune intitulée "Il faut sauver le Professeur Yunus !", dans laquelle il écrit : "cela fait trois mois que le Professeur Yunus fait l'objet d'une terrifiante entreprise de déstabilisation dans son propre pays [...] Jusqu'à présent, rien n'a dissuadé le gouvernement du Bengladesh de poursuivre son noir dessein : destituer le Professeur Yunus, tenter de le discréditer, de le déshonorer. Cette tentative de bayonner un prix Nobel de la paix rappelle ce qui s'est passé en Birmanie, avec une autre combattante de la paix et de la liberté. Il faut une mobilisation internationale pour soutenir le Professeur Yunus".

Bernard-Henri Levy ne s'est pas encore exprimé dans son formidable bloc-note du Point. On attend sa réaction d'ici quelques jours.

La Haute Cour de Dacca devrait rendre son verdict le 6 mars. Affaire à suivre, donc.

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