Portail Microfinance a publié un entretien avec Khaled Ben Jilani, membre du think-tank au service du développement économique et social de la Tunisie TOUNES2020 et partenaire de la conférence "Microfinance en Tunisie : Réalités et Perspectives" organisée les 20 et 21 avril 2011. Un résumé de la conférence est disponible ici. Dans cet entretien, Khaled Ben Jilani revient sur le développement de la microfinance en Tunisie et sur les préconisations issues de la conférence d'avril 2011.
Quatre ministres tunisiens ont pris la parole en ouverture de la Conférence, c’est le signe d’une réelle volonté partagée au niveau du gouvernement de transition de développer la microfinance ?
Clairement, le développement de la microfinance est l’un des thèmes prioritaires de ce gouvernement de transition qui y voit un moyen efficace de lutte contre l’exclusion. Néanmoins, il nous semble que la microfinance seule ne peut répondre à tous les impératifs économiques du pays en terme de lutte contre la pauvreté. La microfinance doit être intégrée à une stratégie plus large de relance d’une petite économie de quartier et des régions, et pourrait ainsi apporter sa pierre à l’édifice de développement du pays.
Quelles sont les principales entraves au développement du secteur de la microfinance en Tunisie aujourd’hui ?
Jusqu’à aujourd’hui, la microfinance tunisienne n’a pas été au centre de la politique nationale de développement. En particulier, les gouvernements passés n’ont quasiment pas légiféré sur le secteur, le laissant orphelin d’une réglementation cadre et d’une politique de développement du secteur.
De plus, la majorité des acteurs actuels ont été contraints de mettre en œuvre une politique de crédit basée sur l’appartenance politique de leurs clients et bénéficiaires et leur proximité au parti au pouvoir (vs. leur intégrité et solvabilité).
Enfin le secteur a été circonscrit aux formes d’associations et d’ONG, excluant de facto toutes sociétés de microfinance promues par des acteurs privés. Pour toutes ces raisons, et à la notable exception d’Enda Interarabe, le secteur est resté extrêmement fragmenté, avec plus de 280 associations de microfinance recensées, principalement dépendant des refinancements étatiques.
La conférence a été suivie d’une séance de travail restreinte visant à établir une feuille de route. Quelles prochaines étapes préconise-t-elle ?
Le gouvernement actuel est conscient des enjeux que peut revêtir le secteur et travaille sur un plan de relance du secteur sur trois différents axes.
D’abord, le ministère des Finances prépare une nouvelle réglementation devant permettre plus de flexibilité à l’évolution du secteur. En particulier, cette réglementation devrait permettre l’émergence de nouveaux types d’acteurs sous forme de société ou la transformation d’associations en sociétés de microfinance.
Ensuite, le gouvernement a commencé l’élaboration d’un cadre et d’une stratégie de la microfinance. Ce cadre a pour objectif de mieux structurer un écosystème propice au développement du secteur au travers par exemple de la création de solutions de refinancement et de garantie des institutions de microfinance.
Enfin, une relance du secteur ne peut se faire sans un accompagnement des petits acteurs vers un modèle viable. Pour cela, le gouvernement devrait mettre à la disposition des acteurs qui en ont la volonté des instruments leur permettant de s’institutionnaliser, de se regrouper et de repartir sur des bases saines.
Pensez-vous que la microfinance en Tunisie est en train de vivre un tournant ?
Si elle ne le vit pas déjà, elle s’y prépare oui. Tout dépendra de la flexibilité introduite par la nouvelle réglementation en microfinance et de la volonté des acteurs, existants et nouveaux de se saisir de cette nouvelle politique. Dans tous les cas de figure, si la microfinance n’a fait qu’amorcer ce tournant, le microcrédit en Tunisie, lui, ne sera jamais plus comme avant.
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