Le 7 décembre 2010, La Croix a publié un entretien avec Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank et prix de Nobel de la paix 2006, et Maria Nowak, présidente de l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE).
Cet entretien intervenait au moment la microfinance commençait à être critiquée et considérée comme un échec, surtout depuis sa financiarisation dans les années 2000. Directement touchés par la crise économique mondiale, des micro-entrepreneurs se sont suicidé, notamment en Inde. Des événements tragiques largement médiatisés. Muhammad Yunus met en cause une "dérive" du microcrédit : "le microcrédit ne doit pas être présenté comme une opportunité pour gagner de l’argent". Il ne remet pourtant pas en cause le système lui-même. Maria Nowak affirme d'ailleurs qu'"en Europe, l’intérêt va croissant pour le microcrédit".
De récents scandales ont terni l’image du microcrédit en Inde. Êtes-vous inquiet ?
Muhammad Yunus : Oui, je suis inquiet. Certaines personnes ont pris une mauvaise direction et ont franchi la ligne jaune, en prêtant n’importe comment, avec souvent des objectifs assez éloignés de leur mission. Dans certains cas, le microcrédit est devenu une sorte de crédit à la consommation servant à financer les achats courants des ménages.
Quelles sont les mesures à prendre ?
Muhammad Yunus : Il faut condamner ces errements et mettre rapidement de l’ordre. Si l’on ne fait rien tout de suite, d’autres acteurs se lanceront sur ce secteur en faisant la même chose, car l’Inde est un pays où les besoins sont immenses. Je plaide, par exemple, pour imposer un code de bonne conduite aux institutions de microfinance. Ce serait une manière de séparer ceux qui font du microcrédit de ceux qui n’en font pas. Il faut aussi mettre en place une limite sur les taux d’intérêt pratiqués. Le bon niveau serait d’ajouter 10 % au coût de la ressource, afin de couvrir les frais de fonctionnement. Ce qui représente des taux autour de 20 %. À ce niveau, tout le monde est gagnant.
Maria Nowak : En France, la préoccupation principale n’est pas celle des taux d’intérêt, mais de l’accompagnement des créateurs d’entreprise, notamment pour les plus précaires. C’est la raison pour laquelle nous avons créé le fonds ADIE. Associé au statut de l’auto- entrepreneur, le microcrédit permet aux gens d’être plus autonomes, plus créatifs. C’est également un moyen de sortir du travail informel et d’avoir une couverture sociale. Il s’agit d’un progrès énorme.
La mission des institutions de microfinance est-elle de faire des profits, comme lors de l’introduction en Bourse de SKS, en Inde ?
Muhammad Yunus : Cela a été une erreur fondamentale et un mauvais signal. Le microcrédit ne doit pas être présenté comme une opportunité pour gagner de l’argent. Il doit d’abord servir à créer de l’activité, à permettre aux plus démunis d’avoir un métier. Les institutions de microfinance ont besoin d’argent, mais l’important est la manière dont les profits sont redistribués. La Grameen Bank, que j’ai fondée, appartient, par exemple, aux emprunteurs. Ce sont eux qui perçoivent les bénéfices réalisés, avec un taux de dividende de l’ordre de 20 %.
Ces dérives en Inde peuvent-elles freiner le développement du microcrédit dans le monde ?
Muhammad Yunus : Non, car il s’agit d’un problème purement local.
Maria Nowak : En Europe, l’intérêt va croissant pour le microcrédit. C’est une tendance lourde. La Commission européenne vient ainsi d’intégrer la microfinance dans sa stratégie de croissance.
Cet entretien intervenait au moment la microfinance commençait à être critiquée et considérée comme un échec, surtout depuis sa financiarisation dans les années 2000. Directement touchés par la crise économique mondiale, des micro-entrepreneurs se sont suicidé, notamment en Inde. Des événements tragiques largement médiatisés. Muhammad Yunus met en cause une "dérive" du microcrédit : "le microcrédit ne doit pas être présenté comme une opportunité pour gagner de l’argent". Il ne remet pourtant pas en cause le système lui-même. Maria Nowak affirme d'ailleurs qu'"en Europe, l’intérêt va croissant pour le microcrédit".
De récents scandales ont terni l’image du microcrédit en Inde. Êtes-vous inquiet ?
Muhammad Yunus : Oui, je suis inquiet. Certaines personnes ont pris une mauvaise direction et ont franchi la ligne jaune, en prêtant n’importe comment, avec souvent des objectifs assez éloignés de leur mission. Dans certains cas, le microcrédit est devenu une sorte de crédit à la consommation servant à financer les achats courants des ménages.
Quelles sont les mesures à prendre ?
Muhammad Yunus : Il faut condamner ces errements et mettre rapidement de l’ordre. Si l’on ne fait rien tout de suite, d’autres acteurs se lanceront sur ce secteur en faisant la même chose, car l’Inde est un pays où les besoins sont immenses. Je plaide, par exemple, pour imposer un code de bonne conduite aux institutions de microfinance. Ce serait une manière de séparer ceux qui font du microcrédit de ceux qui n’en font pas. Il faut aussi mettre en place une limite sur les taux d’intérêt pratiqués. Le bon niveau serait d’ajouter 10 % au coût de la ressource, afin de couvrir les frais de fonctionnement. Ce qui représente des taux autour de 20 %. À ce niveau, tout le monde est gagnant.
Maria Nowak : En France, la préoccupation principale n’est pas celle des taux d’intérêt, mais de l’accompagnement des créateurs d’entreprise, notamment pour les plus précaires. C’est la raison pour laquelle nous avons créé le fonds ADIE. Associé au statut de l’auto- entrepreneur, le microcrédit permet aux gens d’être plus autonomes, plus créatifs. C’est également un moyen de sortir du travail informel et d’avoir une couverture sociale. Il s’agit d’un progrès énorme.
La mission des institutions de microfinance est-elle de faire des profits, comme lors de l’introduction en Bourse de SKS, en Inde ?
Muhammad Yunus : Cela a été une erreur fondamentale et un mauvais signal. Le microcrédit ne doit pas être présenté comme une opportunité pour gagner de l’argent. Il doit d’abord servir à créer de l’activité, à permettre aux plus démunis d’avoir un métier. Les institutions de microfinance ont besoin d’argent, mais l’important est la manière dont les profits sont redistribués. La Grameen Bank, que j’ai fondée, appartient, par exemple, aux emprunteurs. Ce sont eux qui perçoivent les bénéfices réalisés, avec un taux de dividende de l’ordre de 20 %.
Ces dérives en Inde peuvent-elles freiner le développement du microcrédit dans le monde ?
Muhammad Yunus : Non, car il s’agit d’un problème purement local.
Maria Nowak : En Europe, l’intérêt va croissant pour le microcrédit. C’est une tendance lourde. La Commission européenne vient ainsi d’intégrer la microfinance dans sa stratégie de croissance.
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