La journaliste Anne Rodier a publié dans Le Monde un article sur la situation de la microfinance en Amérique latine, qui, après un essor considérable dans les années 1990-2000, s'est parfois développée aux dépens des populations. En effet, la microfinance a peu à peu attiré des nouveaux investisseurs et bailleurs de fonds, publics et privés, plus préoccupés par la rentabilité de leur activité que par son utilité sociale. Lire à ce propos les tribunes de Muhammad Yunus au sujet de la "commercialisation" de la microfinance : "Muhammad Yunus et la crise de la microfinance" et "Muhammad Yunus, le microcrédit et les mégaprofits".
Les exemples de la Bolivie, de l’Équateur et du Nicaragua
Au début des années 2000, les institutions boliviennes se sont livrées à une concurrence sauvage sans tenir compte de la capacité de remboursement des clients, en leur appliquant des taux d'intérêt parfois supérieurs à 50 %, ce qui a conduit à de graves situations de surendettement.
Dans une récente étude intitulée "Nouvelles gauches et inclusion financière : la microfinance contestée en Bolivie, en Equateur et au Nicaragua", Florent Bédécarrats, Johan Bastiaensen, maître de conférences à l'université d'Anvers, et François Doligez, agroéconomiste à l'Institut de recherches et d'applications des méthodes de dévelopement (IRAM), relatent que, face à ces dérives, la question de la reprise en main de la gouvernance de la microfinance par les pouvoirs publics s'est posée dans ces trois Etats, au nom de l'intérêt général. Après être passée des ONG aux investisseurs privés, la microfinance devrait-elle son salut au contrôle de l’État ?
Les gouvernements de gauche de ces pays ont tenté de garantir l'utilité sociale de la microfinance ou tout du moins de limiter les dérives de sa commercialisation. Mais "les résultats ont été très variables selon l'approche du problème et la nature des mesures adoptées".
Échec des États à réguler la microfinance ?
Selon l'étude, il existe deux freins à la saine régulation étatique de la microfinance commerciale :
- Des conflits entre les intérêts politiques et économiques ont mis à mal les efforts de régulation : "en Bolivie, en substituant à des cadres financiers jugés trop technocrates des personnalités plus partisanes mais moins expérimentées, l'instance de contrôle des entités financières a perdu en efficacité. Quant au Nicaragua, l'instrumentalisation clientéliste par le gouvernement des oppositions contre les institutions de microfinance n'a débouché sur aucune alternative concrète".
- L'impact de la microfinance sur le développement ne peut être assuré durablement que par des structures qui travaillent en toute transparence : "en ce sens, la loi d'économie populaire et solidaire qui vient d'être adoptée en Équateur ouvre peut-être la voie à un véritable renouvellement de gouvernance, en incitant à une meilleure implication des usagers dans la microfinance".
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